SAN CRISTO
Histoire d'un couvent et de sa restauration

 

 


 

Le touriste en visite aux Musées Civiques dans l'ancien monastère de S. Giulia, où trouva sa mort la malheureuse Ermengarda, vient se trouver au pied de l'escalier qui monte à une église à la façade simple. Un écriteau porte la diction: Chiesa di San Cristo, titre étrange, mais bien connu des fidèles de Brescia, parfois confondu avec la paroissiale du Christ Roi en bourg Trento. Le nom exacte est Santo Corpo di Cristo ou du Corpus Domini, signalée comme première église exclusivement dédiée à l'Eucharestie.
Après avoir monté l'escalier et etre passés à l'intérieur, on est saisis par une stupeur d'admiration pour la fete de figures et couleurs qui s' étalent des parois au plafond. On s'aperçoit d'etre en face d'un vrai compendium de théologie pour le peuple, modélé sur les très connues biblia pauperum du Moyen Age, un unicum justement défini par l'expert d'art Luciano Anelli comme la Cappella Sistina de Brescia: Effectivement, la volumétrie de l'intérieur, le plafond divisé en secteurs, les parois complètement fresquées et le motif dominant du Jugement Universel sur l'arc de triomphe nous renvoient au plus célèbre chef-d'oeuvre de Michelange.

L'église et l'annexe couvent ont étés construits, derrière le théatre romain au milieu du centre historique, sur l'emplacement de deux préexistents batiments sacrés encore sur place au XV siècle. Il s'agit de l'église de S. Pietro in Ripa, des moines de S. Augustin (et plus tard des chanoinnes du meme Ordre) et de la chapelle de S. Barthélemy, dont les restes persistent sous la cour.
La République de Vénise, désormais souveraine sur le territoire de Brescia après la bataille de Maclodio ( 12 octobre 1427), envoie en ville les Jésuates pour soigner les maladies, en particulier la peste, conséquence des longues guerres contre les Visconti de Milan.

 

LES JESUATES

Ils ont été fondés, comme libre mouvement laique, entre 164 par le marchand de Siena Giovanni Colombini. Ce riche banquier arriva à la conversion après celle de la femme, suite à la lecture de la vie de S. Maria Egiziaca, comme nous raconte le biographe Feo Belcari (184). L'exemple de la pécheresse égyptienne se rétirant en ermitage était accompagné par des longues méditations, sévères pénitences et publiques flagellations. C'était l'habitude en ces tristes temps-là après la doloureuse expérience de la peste noire du 1348, (racontée aussi par Boccaccio dans le Décameron) et encore dans la crise de la Papauté en exile à Avignon.
Son exemple est bientot suivi par d'autres personnes de la ville et de la campagne qui se dédient en esprit d'allégresse, comme S. François d'Assisi, à soigner les malades et le pauvres. Ils prechaient la paix, la pauvreté, l'humilité, implorant sur tout le monde le nom sauveur de Jésus, d'où l'appellatif de Jésuates. Aux temps où la théologie de Nicolò de Cusa soulignait le thème de la docta ignorantia ils refusaient la spéculation théologique et métaphisique, pour gagner la sapientia crucis, ils pratiquaient une spiritualité ordinaire faite de prières simples et répetées, comme le Pater et l'Ave Maria, ils n'habitaient pas des couvents et restaient sans supérieur fixe. Tout en imitant Jésus et S. François, en esprit d'humilité ils n'accedaient pas au sacerdoce et préféraient rester des laiques. Comme travail, ils pratiquaient les arts appliqués tels que la peinture, les cadrans solaires, la menuisierie, la vitrerie et la quete, mais surtout la récolte et distillation des herbes pour le soin des malades.

Les gens sont frappés par l'allégresse de ces nouveaux pauvres de Jésus qui parcourent le territoire, louant le Seigneur en litanies au cri de " Jésus! Jésus!". Au printemps du 1367 le Colombini déjà maladif, craignant pour le futur de ses adeptes, avec 70 confrères se rendait à Viterbo chez Urban V, en train de rentrer à Rome d'Avignon, et après longues examens par une commission, obtenait pour sa propre forma vivendi une approuvation orale de la part du Souverain Pontife. Mais le Pape exigeait de vetir le blanc habit des pénitents volontaires avec capuchon sur le manteau marron et d'habiter des maisons communes. En tout cas rien tonsure cléricale, ni règle écrite, ni supérieurs: ils restaient des laiques réunis en fraternité , paternellement guidés par le Colombini et ses successeurs. Ils convivaient en petites communautés, librement associés, et obéissaient à un prieur. Canoniquement étaient soumis aux curés et aux éveques.
Ils restent donc bien distingués du mouvement franciscain, mais s'approchent aux fraticelli, ce qui attirera sur les "laiques blancs" des accusations graves, du reste jugées sans fondement par le sevère moine Nicolò Albergati, archeveque cardinal de Bologna. L'année suivante le jésuate Giovanni Tavelli di Tossignano, éveque de Ferrara, plus tard béatifié, est chargé de fixer une Constitution. Inspirée à la traditionelle Règle de S. Augustin, mais surtout à celle de S. Bénoit, cette Règle changera la simple fraternité dans une vraie Congrégation au cours du XVI siècle.

Le XV siècle voit l'épanuissement de l'ordre, qui adopte le symbole de S. Bernardin de Siena, le soleil dans les douze rayons, c'est à dire Jésus et ses Apotres. Ils datent de ce siècle les fondations de Toulouse (1425), Verona (1428), Padova (1432), Pisa (1434), Montenero di Livorno (1442)&

Brescia (1467)&Avec ses 34 couvents la Congrégation reste un phénomène significatif dans le débat religieux entre Moyen Age et Temps Modernes.
Le 6-12-1668 le Pape Clemente IX de la famille Rospigliosi supprime l'ordre des Jésuates, à cause des couvents vides pour manque de vocations, des discordes au sein de la compagnie entre laiques et pretres, et des richesses accumulées par la distillation des herbes. A Brescia ils étaient connus comme frati dell'acqua, à cause de la distillation qui se faisait dans les locaux de l'actuelle portinerie. Mais la poussée venait surtout de la République de Vénise qui voulait s'emparer des biens de cette et d'autres Congrégations, pour faire face à ses dettes dans les guerres contre les musulmans.

 

LA FAMILLE MARTINENGO

Déjà 1450 Antonio I, fils de Giovanni Francesco Martinengo di Padernello, offre aux Jésuates, réunis dans le Chapitre de Ferrara, un lieu dans la ville de Brescia qui est refusé. Ce terrain est accepté en avril 1467 par le Chapitre de Ferrara avec la somme de 500 ducati. De l'année suivante date l'apport de la Commune de Brescia pour la construction du couvent près de l'église, selon les "Indici Poncarali", là où existait le monastère des chanoinnes de S. Augustin.
Le 13 octobre 1473 Antonio Martinengo meurt, et sa dernière volonté est d'etre enséveli dans l'église devant l'autel principale. Le jour de S. Roch 1471 il y eut deux tremblements de terre, suivis par d'autres en 1473, qui peut-etre ont laissé des felures sur la façade sans la compromettre.
Le fils de Antonio, Gaspare, marié à une fille du Colleoni, Caterina, mourut le 14 septembre 1481: son desir était d'etre enséveli devant la porte de l'église. Au contaire il reposa dans le premier tombeau au milieu de la nef, plus tard transféré à l'extérieur, où on le voit exactement comme le de cuius avait disposé.
Le condottiero Marcantonio, fils de Lodovico et Cecilia Ganassoni, fut aussi architecte militaire à la forteresse de Palmanova. Dans le mai 1526 il courut avec la chévalerie dans la Ligue de Clemente VII contre les Espagnols mais, blessé dans la bataille de Agnadello d'Adda, fut amené en ville où il mourut. Il repose dans l'artistique monument funèbre placé à la paroi gauche, actuellement au Musée Civique. A droite on voit l'inscription d'un autre Martinengo des comtes Palatini Theophilo, mort en 1565.

monument funèbre

l'inscription d'un autre Martinengo des comtes Palatini Theophilo

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